Les danses traditionnelles géorgiennes remontent à plusieurs millénaires. La Géorgie, terre d'invasion des grands voisins perses, mongols, ottomans et russes, a non seulement su préserver son identité culturelle, en particulier sa musique rythmée au son du doli, ses costumes, le tchokha à cartouchière pour les hommes, les robes longues "médiévales" pour les femmes et ses danses, mais elle s'est aussi enrichie au contact des peuples du Caucase du Sud -le doudouki est par exemple partagé entre Arméniens, Azéris et Géorgiens- et du Caucase du Nord -le costume masculin tcherkeska et la danse lezginka en sont des illustrations-.
Les danses traditionnelles hier
Il est probable que certaines d'entre elles trouvent leurs racines à l'époque païenne, le doute n'existe pas pour quelques unes comme Samaïa.
L'aspect festif de la culture géorgienne a permis la transmission de ce savoir-faire artistique au cours des siècles : mariages, fêtes de village ou fêtes improvisées ont toujours été l'occasion de danser (et de chanter) pour les Géorgiens.
Une classification des danses traditionnelles géorgiennes reste hasardeuse, pourtant un premier groupe pourrait rassembler les danses montagnardes (Kazbegouri, Khevsoulouri, Mkhovelni, Mtioulouri, Pshavi, Svanouri, ...), un deuxiéme celles de l'Ouest de la Géorgie (Adjameti, Atcharouli, Khoroumi, Partsa, Perkhouli, Ratchouli, ...) et un troisiéme celles de l'Est de la Géorgie (Bagdadouri, Davlouri, Djeirani, Karatchokheli, Kintaouri, Narnari,...).
Certaines danses restent en facteur commun (Kalta Tsekva, Kartuli Tsekva, Khandjlouri, Mkhedrouli, Shedjibroba,...), d'autres sont spécifiques (Khonja, Simdi d'origine ossète).
Les danses sont accompagnées du pandouri (luth à trois cordes), du tchangouri (luth à quatre cordes), du salamouri (longue flûte à bec, initialement utilisée par les bergers), du doudouki (sorte de hautbois pratiqué dans tout le Caucase, demandant une respiration continue), du doli (tambour à double face, joué à la main) et du garmoni (sorte d'accordéon) apparu au XIXéme siécle.
Les danses traditionnelles aujourd'hui
Au XXéme siècle l'art populaire est magnifié en Géorgie comme dans la plupart des pays de l'ex-URSS. Pourtant les relations avec les pays occidentaux ne permettent pas d'échanges culturels avant la fin des années cinquante. Dans les pays étrangers, là où vivent encore des descendants de l'émigration politique des années 1920, certains maïtres de ballet entretiennent la flamme des danses traditionnelles géorgiennes, c'est le cas de Chota Abachidzé à Paris.
La troupe Soukhichvili, ballet national géorgien, est créée en 1945 à Tbilissi. Les fondateurs, Iliko Soukhichvili et Nino Ramichvili sont deux danseurs exceptionnels. Ils excellent ensemble dans Kartuli Tsekva. Ils font connaître les danses géorgiennes (et les chants) au monde occidental, y compris à la Scala en 1967. Avant de passer la main à son fils Tenguiz Soukhichvili (lui-même danseur et spécialiste du Simdi), Nino Ramichvili s'oriente vers la chorégraphie (Djeirani en particulier). Après la disparition de Tenguiz (1), les tournées internationales continuent avec Iliki Soukhichvili junior.
La troupe Rustavi est fondée en 1968 (2), également à Tbilissi, avec Anzor Erkomaïchvili comme directeur artistique et Fridon Soulaberidze comme chorégraphe ; elle compte plus d'une centaine de danseurs qui se renouvellent au cours des années et entreprennent eux aussi des tournées internationales : plus de 3000 concerts sont donnés dans 60 pays ! Elle se produit en 2006 en Finlande.
D'autres ensembles naissent en Géorgie, moins présents sur la scène internationale, voire même à l'étranger comme la troupe du Dancing Crane Georgian Dance Theater à New-York, fondée en 1996 et forte de vingt cinq danseurs.
En 1999, l'Américain Jim Lowe et le Français Pascal Jourdan découvrent la culture géorgienne grâce à la troupe Erisioni et décident de produire un spectacle alliant la modernité technique occidentale à la danse traditionnelle géorgienne : les ballets Georgian Legend (3) sont nés et parcourent les Etats-Unis, l'Europe et la Russie. En 2007, ils se produisent en France et en Allemagne. Le directeur artistique Djémal Tchkouaseli et le chorégraphe Revaz Tchokhonelidze ont la réputation de chercher la perfection et font travailler les danseurs six heures par jour, six jours par semaine !
Des ensembles d'enfants et d'adolescents, comme Patara Georgika se produisent également à l'étranger.
Quelques exemples de danses traditionnelles
Adjameti : région de Mingrélie, danse masculine, musique rythmée par le doli et le garmoni, costumes avec coiffes mingréliennes, poignards plantés dans la piste (Soukhichvili).
Atchrouli : région de l'Adjarie, danse masculine et féminine, costumes adjares colorés, musique douce au tchangouri, parfois partie vocale joyeuse relatant les relations entre les garçons et les filles.
Bagdadouri : danse masculine virile, musique rythmée par le doli et les frappes des mains, mettant en compétition les danseurs.
Davlouri : danse des "aristocrates" de Tbilissi, dérivée du Kartuli Tsekva.
Djeirani : danse relative à la chasse (Soukhichvili).
Kalta Tsekva : nom générique pour les danses féminines, musique douce souvent accompagnée du doudouki, danseuses glissant sur la piste sans montrer les pas dissimulés sous de longues robes, tenant un port de tête majestueux (longues nattes et voile tournoyant) et éxécutant de lents mouvements du bras.
Karatchokheli : danse d'un artisan de Tbilissi, dur à la tache, aimant le vin et les belles femmes.
Kartuli Tsekva (appelée aussi Lekouri) : danse caractéristique de la Géorgie, entre un homme et une femme, musique romantique, la danseuse mettant en valeur sa grâce, le danseur cherchant à séduire. Ils se tiennent toujours à distance, le danseur ne quittant pas des yeux sa partenaire, la danseuse baissant les yeux.
Kazbegouri : région du Kazbeg, danse masculine de haute montagne, musique rythmée, costume muni d'un bonnet à poils, interprétée par un seul danseur cherchant à démontrer son endurance.
Khandjlouri : danse masculine avec poignards plantés lors de figures acrobatiques.
Khevsourouli : région de la Khévsourie, danse montagnarde, avec combat au sabre et au bouclier entre prétendants, interrompu par les mouvements de voile de la convoitée, costumes féminins avec robes courtes, psalmodie lointaine (Rustavi).
Khonga : région de Tskhinvali (Ossétie du Sud), costumes à longues manches, ports de tête majestueux et pointes pour les danseurs.
Khoroumi : région de l'Adjarie, danse masculine guerrière, musique sobre et rythmée basée sur le doli, initialement interprétée par quelques éclaireurs. Ils cherchent le camp ennemi, appellent les bataillons pour le combat et célèbrent la victoire.
Kintaouri : danse humoristique des marchand de quatre-saisons de Tbilissi, livreurs de produits posés sur la tête, costume civil (bottes, pantalon bouffant, blousa et couvre-chef), figures acrobatiques avec bouteille sur la tête.
Mkhedrouli : dite danse des cavaliers, militaire, musique rapide mêlant le doli et le garmoni. Les danseurs se succèdent à un rythme effréné, exécutant leurs acrobaties sur les pointes et brandissant des poignards. Ils illustrent la combativité que les Géorgiens ont déployée tout au long des siècles face aux nombreux envahisseurs.
Mkhovelni : danse montagnarde.
Mtioulouri : région de Mtieléthie, musique rythmée par le doli avec appui du garmoni, costumes masculins avec capes, costumes féminins avec robes courtes à "étages", compétition entre deux groupes d'hommes, psalmodie vocale (Erisioni).
Narnari : danse féminine, musique douce, groupe de danseuses vêtues de costumes et de voiles longs (Soukhichvili).
Partsa : région de Gourie, danse masculine, musique vive, pas aériens et sauts.
Perkhouli : région du Sud Ouest de la Géorgie, danse masculine et féminine, rythme rapide accompagné de chants répétitifs, construction d'une pyramide masculine surmontée d'un joueur de doli et entourée de ronde féminine (Soukhichvili).
Pshavi : danse montagnarde.
Ratchouli : région de Ratcha, danse interprétée en partie en couple, en partie par des danseurs en compétition, fond musical polyphonique a capella rythmé par le doli (Rustavi).
Samaia : danse de trois femmes, origine païenne, adaptée à la gloire de la reine Tamar (12éme siècle).
Shedjibri : danse masculine et féminine, musique à rythme rapide, compétition entre un groupe d'hommes et un groupe de femmes, compétition entre solistes masculins, pointes, sauts, figures sur les genoux, tournements accélérés (Rustavi).
Simdi : région de Tskhinvali (Ossétie du Sud), danse de mariage, musique douce, costumes à longues manches, chorégraphie simple et harmonieuse, interprétée par un groupe d'hommes et un groupe de femmes (Erisioni).
Svanouri : région de Svanétie, danse masculine montagnarde, musique avec rythme rapide, accompagnée de leitmotiv vocaux répétitifs (Erisioni).
Notes :
(1) Géorgie : disparition de Tenguiz Soukhichvili, danseur et directeur de troupe (1938-2007)
(2) Rustavi http://www.rustavi.org.ge/
(3) Géorgie : les ballets GEORGIAN LEGEND
Source: http://www.colisee.org/article.php?id_article=2420
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